• Faire le  délicat, le difficile

    Auvergne

    L'expression s'appplique en particulier à la nourriture. L'adjectif regrettif exprime la répugnance.Vous l'entendrez en Auvergne et nulle part aileurs. En français usuel, on trouve des termes comme difficile et délicat, ou plus familièrement bégueule, soit littéralement bouche ouverte (une injure du XVIIème siècle qui s'adressait aux femmes des classes populaires : l'équivalent d'idiote ou de niaise qui a pris le sens de délicat au XIXème siècle). On dit aussi être chichiteux, ou faire des chichis, un terme issu du redoublement de l'onomatopée tchitch, qui exprime la petitesse (un héritage du grec kikkos qui équivaut à un rien.

    Au XVème siècle, à regret signifie avec déplaisir. Le terme regrettif apparait à cette époque dans le Massif Central. Francisque-Balthazar Mège, historien de l'Auvergne, mentionne cet usage en 1861 dans Souvenirs de la langue d'Auvergne.

    Il y a des personnes qui ne mangeraient pas d'un plat si elle y trouvaient un charbon ou un cheveu ; pour moi cela ne me fait rien, je ne suis pas regrettif.

    D'autres tournures régionales décrivent cette attitude. En Bretagne  on dit être pismiguz (mot qui a donné l'anglais punctilious, sourcilleux, scrupuleux). En Lorraine et en Champagne-ardenne, vous entendrez l'expression être nareux ou naireux, une adaptiation régionale composée du latin naris, nez ou narine et du suffixe eux qui donne au mot nareux un côté dépréciatif et péjoratif.

    Les plus belles expressions de nos régions

    Pascale LAFITTE-CERTA

    Etre regrettif

     


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  • Un Philosophe austère, et né dans la Scythie,
    Se proposant de suivre une plus douce vie,
    Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux
    Un sage assez semblable au vieillard de Virgile,
    Homme égalant les Rois, homme approchant des Dieux,
    Et, comme ces derniers satisfait et tranquille.
    Son bonheur consistait aux beautés d'un Jardin.
    Le Scythe l'y trouva, qui la serpe à la main,
    De ses arbres à fruit retranchait l'inutile,
    Ebranchait, émondait, ôtait ceci, cela,
    Corrigeant partout la Nature,
    Excessive à payer ses soins avec usure.
    Le Scythe alors lui demanda :
    Pourquoi cette ruine. Etait-il d'homme sage
    De mutiler ainsi ces pauvres habitants ?
    Quittez-moi votre serpe, instrument de dommage ;
    Laissez agir la faux du temps :
    Ils iront aussi tôt border le noir rivage.
    - J'ôte le superflu, dit l'autre, et l'abattant,
    Le reste en profite d'autant.
    Le Scythe, retourné dans sa triste demeure,
    Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure ;
    Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis
    Un universel abatis.
    Il ôte de chez lui les branches les plus belles,
    Il tronque son Verger contre toute raison,
    Sans observer temps ni saison,
    Lunes ni vieilles ni nouvelles.
    Tout languit et tout meurt. Ce Scythe exprime bien
    Un indiscret Stoïcien :
    Celui-ci retranche de l'âme
    Désirs et passions, le bon et le mauvais,
    Jusqu'aux plus innocents souhaits.
    Contre de telles gens, quant à moi, je réclame.
    Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort ;
    Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort.

    Jean de la FONTAINE

    LIVRE XII FABLE XVIII

    Le philosophe scythe Jean de la FONTAINE


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  • Rien ne pèse tant qu'un secret ;
    Le porter loin est difficile aux dames ;
    Et je sais même sur ce fait
    Bon nombre d'hommes qui sont femmes.
    Pour éprouver la sienne un mari s'écria,
    La nuit, étant près d'elle : « Ô Dieux ! qu'est-ce cela ?
    Je n'en puis plus ; on me déchire ;
    Quoi j'accouche d'un oeuf ! – D'un oeuf ? – Oui, le voilà,
    Frais et nouveau pondu : gardez bien de le dire ;
    On m'appellerait poule. Enfin n'en parlez pas. »
    La Femme, neuve sur ce cas,
    Ainsi que sur mainte autre affaire,
    Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire ;
    Mais ce serment s'évanouit
    Avec les ombres de la nuit.
    L'épouse, indiscrète et peu fine,
    Sort du lit quand le jour fut à peine levé ;
    Et de courir chez sa voisine :
    « Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé ;
    N'en dites rien surtout, car vous me feriez battre :
    Mon mari vient de pondre un oeuf gros comme quatre.
    Au nom de Dieu, gardez-vous bien
    D'aller publier ce mystère.
    – Vous moquez-vous ? dit l'autre : ah ! vous ne savez guère
    Quelle je suis. Allez, ne craignez rien. »
    La femme du pondeur s'en retourne chez elle.
    L'autre grille déjà de conter la nouvelle :
    Elle va la répandre en plus de dix endroits :
    Au lieu d'un oeuf elle en dit trois.
    Ce n'est pas encore tout ; car une autre commère
    En dit quatre, et raconte à l'oreille le fait :
    Précaution peu nécessaire ;
    Car ce n'était plus secret.
    Comme le nombre d'oeufs, grâce à la Renommée,
    De bouche en bouche allait croissant,
    Avant la fin de la journée
    Ils se montaient à plus d'un cent.

    Jean de la Fontaine

    Livre VIII fable VI

    Les femmes et le secret Jean de la Fontaine


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  • Crever un pneu

    Alsace-Lorraine

    Les expressions "attraper un plat" ou "attraper plat" sont courantes en Alsace. Elles peuvent evidemment prêter à confusion. Le contexte est essentiel. Si vous êtes en cuisine, vous êtes à peu près tranquille "le plat" en question servira au roti, à la salade ou au gâteau...

    En revanche, si la conversation tourne autour d'un trajet en voiture ou à vélo, alors là, attention au quiproquo. "Attraper un plat" signifie avoir crevé un pneu. C'est la traduction française de l'expression alsacienne "Ich fang jede dàà platt soit "j'attrape plat tous les jours" ou littéralement "Tous les jours je crève un pneu". Absurde ? Qui crève tous les jours ?

    Pour expliquer la situation, faisons un bref détour par Marseille, dans le Sud de la France, où l'on raconte qu'un jour le port de la ville fut bouché par une sardine géante. Légende, affabulation ? Oui evidemment. C'ent en quelque sorte une  espèce de petit arrangement avec la réalité, qui ne porte préjudice à personne. Le procédé est connu, il a pour but d'attirer l'attention de ses interlocuteurs en grossissant le trait et en exagérant. C'est du Molière, du Labiche, c'est le théatre de la vie, le plat que l'on attrape à chaque tour de roue.

    Les plus belles expressions de nos régions

    Pascale LAFITTE-CERTA

    Attraper un plat

     


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  • Le ciel est, par-dessus le toit,
    Si bleu, si calme !
    Un arbre, par-dessus le toit,
    Berce sa palme.

    La cloche, dans le ciel qu’on voit,
    Doucement tinte.
    Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
    Chante sa plainte.

    Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
    Simple et tranquille.
    Cette paisible rumeur-là
    Vient de la ville.

    – Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
    Pleurant sans cesse,
    Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
    De ta jeunesse ?

    Paul VERLAINE

    Sagesse(1881)

    Le ciel est par-dessus...

     


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