•  

    Elle me dit  : Quelque chose

    Me tourmente. Et j'aperçus

    Son cou de neige, et, dessus,

    Un petit insecte rose.

     

    J'aurais dû - mais, sage ou fou,

    A seize ans on est farouche,

    Voir le baiser sur sa bouche,

    Plus que l'insecte à son cou.

     

    On eût dit un coquillage ;

    Dos rose et taché de noir.

    Les fauvettes pour nous voir

    Se penchaient dans le feuillage.

     

    Sa bouche franche était là :

    Je me courbai sur la belle,

    Et je pris la coccinelle ;

    Mais le baiser s'envola.

     

    - Fils, apprends comme on me nomme

    Dit l'insecte du ciel bleu,

    Les bêtes sont au bon Dieu

    Mais la bêtise est à l'homme.

     

    Victor Hugo

    1802 - 1885

    Les Contemplations

     

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    Bon week-end à tous !


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  • fleurs-des-champs.1239445695

     

      Enfin j'ai secoué la poussière des villes ;

    J'habite les champs parfumés.

    Je me sens vivre ici, dans ces cantons tranquilles,

    Sur ces bords que j'ai tant aimés.


    L'ennui me consumait dans tes vieilles murailles,

    O noble cité de Champlain !

    Je ne suis pas, vois-tu l'enfant de tes entrailles,

    Je ne suis pas né châtelain.


    Je suis né dans les champs ; je suis fils de la brise

    Qui passe en caressant les fleurs ;

    Je souris à la digue où le torrent se brise

    Avec d'impuissances clameurs.

     

    Mes premières amours, douces fleurs des vallées,

    N'ont elles pas été pour vous ?

    Pour vous, rocs au front nu, forêts échevelées,

    Vagues des fleuves en courroux ?

     

    Pour vous, petits oiseaux qui semez, à l'aurore,

    Les doux accords de votre voix ?

    Et pour vous, diamants qu'égrène un vent sonore,

    Après l'orage, sous les bois ?

     

    Je souffrais dans ces murs où s'entasse la foule

    Où l'herbe ne reverdit pas,

    Où la fleur s'étiole, où la poussière roule

    Comme pour effacer nos pas.

     

    J'avais bien assez vu comme le fort repousse

    Le faible à son boulet rivé,

    Comme de son orgueil la sottise éclabousse

    L'esprit qui monte du pavé.

     

    Nul vent harmonieux ne passait sur ma lyre,

    Et mes chants étaient suspendus.

    Je ne retrouvais point le souffle qui m'inspire,

    Et je pleurais les jours perdus.

     

    Il me fallait revoir, au milieu de la plaine,

    Ou sur le penchant du coteau,

    La laboureur qui rêve à la moisson prochaine

    En ouvrant un sillon nouveau.

     

    Il me fallait l'odeur du foin qui se dessèche

    Sur le sol où passe la faux,

    L'odeur du trèfle mûr que flairent dans la crèche,

    En hennissant, les fiers chevaux.

     

    Il me fallait le jour, pour voir combien de voiles

    S'ouvrent blanches sue le flot bleu ;

    Il me fallait la nuit, pour voir combien d'étoiles

    S'allument sous les pieds de Dieu.

     

    Il me fallait encore entendre l'harmonie

    Des nids que berce le rameau,

    Il me fallait entendre encor la voix bénie

    Des vieux clochers de mon hameau.

     

    Léon Pamphile LE MAY

    1837 - 1918

     

      Bon dimanche à tous !!!


    15 commentaires
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    L'herbe éclate en pâquerettes ;

    Les parfums, qu'on croit muets,

    Content les peines secrètes

    Des liserons aux bleuets


    Les petites ailes blanches

    Sur les eaux et les sillons

    S'abattent en avalanches ;

    Il neige des papillons.


    Et sur la mer, qui reflète

    L'aube au sourire d'émail,

    La bruyère violette

    Met au vieux mont un camail.


    Victor HUGO

    Les Contemplations

    1802 - 1885

     

     

    Belle journée à tous !!!

     



    19 commentaires
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    J'ai un peu de retard...Mais quelle beauté ce poème !!!

     

    Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.

    Je ne suis pas en train de parler d'autres choses.

    Premier mai ! L'amour gai, triste, brûlant, jaloux,

    Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;

    L'arbre où j'ai, l'autre automne, écrit une devise,

    La redit pour son compte et croit qu'il improvise ;

    Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,

    Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;

    L'atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine

    Des déclarations qu'au printemps fait la plaine,

    Et que l'herbe amoureuse adresse au ciel charmant.

    A chaque pas du jour dans le bleu firmament,

    La campagne éperdue, et toujours plus éprise,

    Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise

    Envoie au renouveau ses baisers odorants ;

    Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,

    Dont l'haleine s'envole en murmurant : Je t'aime !

    Sur le ravin, l'étang, le pré, le sillon même,

    Font des tâches partout de toutes les couleurs ;

    Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;

    Comme si ses soupirs et ses tendres missives

    Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,

    Et tous les billets doux de son amour bavard,

    Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !

    Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,

    Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;

    Tout semble confier à l'ombre un doux secret ;

    Tout aime, et tout l'avoue à voix basse ; on dirait

    Qu'au nord, au sud brûlant, au couchant, à l'aurore,

    La haie en fleur, le lierre et la source sonore,

    Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,

    Répètent un quatrain fait par les quatre vents.


    Victor Hugo

    Les contemplations

    (1802 - 1885)


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    23 commentaires
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    Avril est de l'aurore un frère ressemblant ;

    Il est éblouissant ainsi qu'elle est vermeille.

    Il a l'air de quelqu'un qui rit et qui s'éveille.

    Or, nous sommes au mois d'avril, et mon gazon,

    Mon jardin, les jardins d'à côté, l'horizon,

    Tout, du ciel à la terre, est plein de cette joie

    Qui dans la fleur embaume et dans l'astre flamboie ;

    Les ajoncs sont en fête, et dorent les ravins

    Où les abeilles font des murmures divins ;

    Penché sur les cressons, le myosotis goûte

    A la source, tombant dans les fleurs goutte à goutte ;

    Le brin d'herbe est heureux ; l'âcre hiver se dissout ;

    La nature paraît contente d'avoir tout,

    Parfums, chansons, rayons, et d'être hospitalière.

     

     

     

    Victor HUGO (L'Art d'être Grand-Père)

    1802 -1885

     


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